FARDC – Réintégration « individualisée et non individuelle » des ex-M23/AFC

Une victoire historique pour Kinshasa, un cauchemar pour Kigali

Par Ambroise Mamba Ntambwe, journaliste et chercheur en sciences politiques

🎯 Mixage et brassage : portes ouvertes à l’infiltration rwandaise

Le brassage et le mixage des ex-combattants au sein des FARDC ont longtemps été des vecteurs d’infiltration pour le Rwanda, déstabilisant durablement l’armée congolaise. À une époque où l’État congolais était affaibli, ces mécanismes, imposés à la RDC dans le cadre de divers processus de paix, ont permis l’intégration en masse d’éléments issus de groupes rebelles tels que le MLC, le RCD, le CNDP ou le M23 — souvent restés loyaux à Kigali.

Pris en charge par le trésor public congolais, ces combattants ont renforcé l’influence rwandaise dans l’est du Congo, créant une ceinture sécuritaire et économique au profit de Kigali, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

🔁 Un revirement stratégique à haut prix

En 2025, la RDC a finalement rompu avec cette logique, au prix d’un lourd tribut : 6 millions de Congolais tués, conséquence du refus du président Félix Tshisekedi de négocier avec ceux qu’il a qualifiés de « pantins du Rwanda ».

L’accord de paix signé le 27 juin 2025 entre la RDC et le Rwanda constitue un tournant décisif. Concernant les ex-M23/AFC, le texte est clair :

« Toute réintégration éventuelle dans les FARDC ou la PNC s’effectuera de manière rigoureuse, individualisée et conditionnelle, au cas par cas. »

Ce choix enterre définitivement les pratiques de mixage et de brassage.

🧠 Réintégration individualisée ≠ individuelle : une nuance stratégique

La terminologie est essentielle.

• Une réintégration individualisée implique une évaluation sur mesure, sans initiative étatique, et une responsabilité personnelle de chaque ex-combattant.
• Une réintégration individuelle, en revanche, peut être exploitée : des groupes peuvent simuler une démarche autonome et coordonnée, permettant ainsi des infiltrations déguisées.

Concrètement :

1. Aucune prospection de l’État : chaque ex-combattant doit spontanément entamer les démarches.
2. Zéro traitement groupé : pas d’intégration en bloc.
3. Pleine responsabilité individuelle : pas d’intermédiaire ni de lobby.

L’approche individualisée réduit à néant les simulations collectives déguisées en efforts personnels.

🌍 Le cauchemar rwandais : chute d’un modèle expansionniste

Ce nouveau cadre marque une défaite stratégique pour Kigali :

• ❌ Fin de l’infiltration via les FARDC
• 🛑 Échec du modèle proxy (guerres par groupes armés interposés)
• 📜 Reconnaissance des frontières de 1885 et de l’intangibilité du territoire congolais

Pour la RDC, c’est une victoire historique.
Pour le Rwanda, c’est un cauchemar stratégique.

📘 Glossaire

• FARDC : Forces Armées de la République Démocratique du Congo
• PNC : Police Nationale Congolaise
• Brassage / Mixage : Processus d'intégration des ex-combattants dans l’armée nationale, souvent utilisés par le passé pour intégrer en masse des rebelles
• MLC / RCD / CNDP / M23 : Groupes politico-militaires ayant combattu l'État congolais à différentes périodes
• Réintégration individualisée : Approche personnalisée, stricte et autonome
• Réintégration individuelle : Approche plus souple, pouvant être exploitée à des fins de contournement
• Proxy : Groupe ou force servant d'intermédiaire pour mener des actions militaires ou politiques au service d’un autre État
• Ceinture sécuritaire et économique : Contrôle territorial permettant l’exploitation de ressources et le maintien de positions stratégiques