RDC : guerre à l’Est, diplomatie internationale et crise intérieure — un état des lieux

1. Reportage accablant de NBC

Le 6 juin 2025, NBC News a diffusé un reportage-choc intitulé Hidden Invasion: Inside Rwanda’s Covert War in Eastern Congo, qui dévoile des preuves accablantes de l’ingérence militaire rwandaise dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Des images satellites et des vidéos montrent des soldats rwandais opérant sans insignes près du front, tandis que des documents internes ordonnent l’effacement des identifications et la confiscation des téléphones. Des témoignages militaires américains et congolais confirment cette présence clandestine. Enfin, NBC révèle la découverte de corps de soldats rwandais enterrés discrètement après des combats, pointant du doigt une “guerre par procuration” orchestrée par Kigali.

2. Offensive militaire et crise humanitaire

Depuis novembre 2021, le M23, rebaptisé Alliance Fleuve Congo (AFC–M23), a relancé ses opérations militaires dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu avec le soutien actif du Rwanda. En janvier 2025, l’ONU estime que 4 000 à 12 000 soldats rwandais ont participé à l’offensive qui a permis la prise de Goma en janvier et de Bukavu en février. Cette progression rapide du M23 a provoqué un désastre humanitaire majeur, avec plus de 600 000 déplacés internes et plus de 7 000 morts selon l’ONU. Les témoignages font état d’exécutions sommaires, de viols et d’exactions ciblant notamment les populations vulnérables, dont la communauté tutsie, et la destruction de camps de déplacés comme Kanyaruchinya et Bushagara. Le M23 contrôle désormais un corridor stratégique reliant Goma à Uvira, menaçant ainsi l’intégrité territoriale de la RDC.

3. Victoire diplomatique à l’ONU

Dans ce contexte tendu, la RDC a remporté une victoire diplomatique majeure. Le 3 juin 2025, l’Assemblée générale de l’ONU a élu le pays membre non permanent du Conseil de sécurité pour le mandat 2026-2027, avec 183 voix sur 187. Ce siège historique permet à la RDC de replacer la question de l’agression rwandaise au cœur des débats internationaux. Kinshasa a annoncé vouloir s’appuyer sur ce mandat pour réformer la MONUSCO, renforcer la lutte contre l’exploitation illégale des ressources dans l’Est et consolider les processus de paix régionaux, notamment ceux de Luanda, Nairobi et Doha. Il s’agit du troisième mandat pour la RDC après ceux de 1982-83 et 1990-91.

4. Relations bilatérales en crise

Depuis janvier 2025, la RDC a rompu ses relations diplomatiques avec le Rwanda. Cette rupture s’est matérialisée par la fermeture de l’ambassade congolaise à Kigali et le rappel de tous ses diplomates, tandis que Kigali a fermé la sienne à Kinshasa. Les tentatives de médiation, notamment à Luanda, à Doha et par les États-Unis, n’ont pour l’instant pas permis de renouer un dialogue direct. Kigali nie toujours toute implication militaire dans la crise de l’Est, accusant Kinshasa de collusion avec les FDLR, alors que la RDC persiste à dénoncer une agression planifiée.

5. Politique intérieure : mobilisation et opposition

Face à la gravité de la crise sécuritaire, le président Félix Tshisekedi a appelé à une mobilisation nationale. Le Parlement a adopté la résolution 2773, qui exige le retrait immédiat des forces étrangères du sol congolais. Le gouvernement a autorisé l’enrôlement de milices d’autodéfense et le recours à des mercenaires européens pour renforcer les effectifs des FARDC, confrontées à un ennemi mieux équipé et entraîné. L’opposition, emmenée notamment par Joseph Kabila, critique cette stratégie et accuse le gouvernement de dérive autoritaire et d’inefficacité militaire.

6. Budget militaire et conditions des soldats

Le budget militaire congolais a connu une forte progression ces dernières années, passant de 794 millions USD en 2023 à 899 millions USD en 2024. Pour améliorer le moral des troupes, le gouvernement a annoncé en mars 2025 une revalorisation salariale, faisant passer la solde des soldats de 100–200 USD à 200–400 USD par mois. Mais cette augmentation reste théorique, car de nombreux militaires se plaignent de retards de paiement. Par ailleurs, les dépenses de guerre se sont élevées à près d’un milliard USD au premier semestre 2025, creusant un déficit budgétaire estimé à 1,2 % du PIB. Ces dépenses exceptionnelles manquent souvent de transparence, alimentant les soupçons de corruption et d’inefficacité.

7. L’appel de Gabriel Mokia à l’union sacrée

Dans ce contexte de crise, Gabriel Mokia Mandembo, président national du Mouvement des Démocrates Congolais (MDCO), a lancé le 17 avril 2025 un appel fort à l’union sacrée. Il appelle la population à défendre l’unité et la souveraineté de la RDC face aux velléités de balkanisation, et rejette toute forme de dialogue avec le M23/AFC, tout en laissant la porte ouverte à des discussions avec Kigali pour préserver la paix. Gabriel Mokia encourage par ailleurs l’engagement citoyen, notamment par le renforcement de la ligue des femmes et l’enrôlement massif dans les FARDC, et exhorte la communauté internationale à sanctionner fermement les soutiens étrangers du M23. Il a conclu son discours par une citation célèbre de Frantz Fanon : « L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo », soulignant l’importance stratégique du pays pour la stabilité régionale.

8. Enjeux et perspectives

Les défis qui se posent à la RDC sont multiples. Sur le plan sécuritaire, il est urgent de réformer les FARDC, d’améliorer leur équipement et leur professionnalisation. Sur le plan humanitaire, la protection des civils et le soutien aux déplacés doivent être renforcés. La diplomatie, avec le siège obtenu à l’ONU, représente une opportunité pour obtenir des sanctions ciblées contre les soutiens du M23 et renforcer la pression internationale sur Kigali. La cohésion nationale reste fragile, malgré l’appel à l’union sacrée de Gabriel Mokia, et les tensions politiques internes exigent des réformes institutionnelles profondes. Enfin, la pression budgétaire et le manque de transparence financière menacent la stabilité économique du pays.

Conclusion

Le reportage de NBC a mis à nu la réalité de l’ingérence militaire rwandaise en RDC, avec des preuves irréfutables. La RDC dispose désormais d’un levier diplomatique puissant au Conseil de sécurité de l’ONU pour défendre sa souveraineté et exiger des sanctions internationales. L’appel de Gabriel Mokia à l’union sacrée incarne une volonté forte de mobilisation nationale. La transformation de cette dynamique en réformes concrètes, en restauration de la cohésion et en protection des populations reste le défi majeur des mois à venir.

📚 Glossaire

M23/AFC : Rébellion armée opérant à l’Est de la RDC, initialement créée en 2012 sous le nom de Mouvement du 23 mars, rebaptisée Alliance Fleuve Congo (AFC) en 2023.

FARDC : Forces armées de la République démocratique du Congo, l’armée nationale.

MONUSCO : Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC, force onusienne présente depuis 1999.

Résolution 2773 : Texte adopté par l’Assemblée nationale de la RDC en 2025, exigeant le retrait immédiat des troupes étrangères du territoire congolais.

Balkanisation : Risque de morcellement territorial de la RDC en entités politiques autonomes ou sous contrôle étranger.

Union sacrée : Appel à la mobilisation nationale et à l’unité lancé par Gabriel Mokia (MDCO) pour défendre l’intégrité du pays.

Conseil de sécurité de l’ONU : Organe exécutif des Nations Unies, où la RDC a été élue comme membre non permanent pour le mandat 2026-2027.

Gabriel Mokia Mandembo : Président national du Mouvement des Démocrates Congolais (MDCO), homme politique congolais et figure de l’opposition historique.

Félix Tshisekedi : Président de la RDC depuis janvier 2019, réélu en 2023, chef de l’État face à la crise sécuritaire de l’Est.

Joseph Kabila Kabange : Ancien président de la RDC (2001-2019), figure politique influente et critique du gouvernement actuel.

NBC News : Chaîne d’information américaine qui a révélé l’ingérence militaire rwandaise en RDC.

Kigali : Capitale du Rwanda, centre du pouvoir politique rwandais.

Kinshasa : Capitale de la RDC, siège des institutions nationales et centre des décisions politiques.

Frantz Fanon : Psychiatre et intellectuel anticolonialiste cité par Gabriel Mokia pour dénoncer le risque géopolitique et les manipulations extérieures.

🔗 Sources

NBC News, Hidden Invasion: Inside Rwanda’s Covert War in Eastern Congo (6 juin 2025).
Assemblée générale des Nations Unies, résultat du vote pour le siège non permanent de la RDC.
Déclarations officielles de Gabriel Mokia (MDCO) et publications sur le site mdco-rdc.net.
Rapports ONU et Human Rights Watch sur le conflit à l’Est.